lundi 10 décembre 2007

De Lucie à Yann ...

Je vis à l’aube des temps, dans le berceau de l’humanité et je m’appelle Lucie. Une montagne vient de se dresser et les nuages ne passent plus. J’ai faim, les arbres qui portaient ma nourriture sont morts et le désert a fini par gagner sur les hautes herbes qui me cachaient. Mes forces m’abandonnent. Pourtant, il ne faut pas lâcher, encore avancer se donner encore une chance. Là je vois des congénères attroupés, mais ils mangent un cadavre. Oserai-je ? Je suis épuisée, ma dernière possibilité sans doute, tant pis, j’essaie. Bien sur, je n’ai encore aucune conscience mais c’est ainsi que l’histoire de l’humanité commence (Coppens).

De cet apport d’acide gras essentiel, je vais développer progressivement une nouvelle intelligence. De mon régime alimentaire varié, je vais me forger une faculté d’adaptation qui me fera conquérir tous les territoires de cette terre, des latitudes les plus chaudes aux plus froides.

Bientôt, devenu chasseur pécheur, je constate que peu à peu, la nature ne pourra pas subvenir au besoin du développement de mon espèce. J’invente l’agriculture et l’élevage. Cela me donne du temps, je pense, je crée, j’ai envie d’un monde plus facile à vivre. Le savoir devient pouvoir, de nouveaux mots et de nouveaux maux apparaissent : jalousie, luxure, guerres …

Au temps des civilisations, j’ai toujours faim. Je m’appelle Joshua, j’habite Jérusalem, après de longs mois de siège, nous n’avons plus rien à manger, pas même un rat. Ma femme vient de mettre au monde un petit garçon, il est mort. Que faire ? Nos amis l’ont fait, un sacrilège ou mourir. Faire bouillir ce petit cadavre et donner à manger à la famille.

Quelques siècles passent encore, je m’appelle Jacquou et j’ai faim. Les inégalités ont exacerbé ma soif de justice, je couperai des têtes malgré ce bon roi qui voulu que je mange une poule tous les dimanche.

Je m’appelle François, nous avons un nouvel empereur, Napoléon III, il fait creuser des canaux pour amener de la marne à nos terres acides et des poteries pour drainer nos terres humides. Mais déjà les grandes guerres se profilent, elles faucheront dans la force de l’age nombre de nos jeunes campagnards. L’effort de reconstruction du pays favorisera l’exode rural et mettra un terme à notre civilisation rurale.

Je m’appelle Daniel, de la fratrie qui vivait auparavant sur la ferme, je reste le seul. Il y a 50 ans, on m’a demandé de produire afin que la faim disparaisse. Durant cette période, le prix de mon blé sera divisé par 5. Notre pays va devenir un des premiers producteurs tout en redonnant de l’espace aux villes et aux routes, mais également à la nature. Notre forêt est la seule qui se développe sur notre planète. Parallèlement à cette agriculture moderne et productive, mes enfants grandiront plus que moi, et mes semblables gagneront en espérance de vie. De toute l’histoire de l’humanité, c’est la première fois que notre pays n’a pas connu la faim sur une période aussi longue.

Pourtant la course journalière à la recherche de nourriture reste encore inscrite dans nos gènes et une réalité pour beaucoup. C’est facile de l’oublier quand on a le ventre plein, privilégié … Comment nourrir 6 milliards d’être humains ? C’est là une bonne question à se poser à défaut de décider qui doit vivre ou mourir

Nous devons continuer à nous « adapter » comme l’on toujours fait nos ancêtres, c'est-à-dire utiliser notre intelligence pour imaginer et mettre en œuvre un « nouveau progrès » capable de prendre en compte ce que nous avons appris du passé pour mieux gérer les risques à venir.

Vivre suppose de prendre des risques. On ne peut pas regarder demain en étant persuadé que l’avenir était hier. Voilà pourquoi depuis la nuit des temps secrètement nous partageons tous l’espoir que demain sera meilleur.

Ce soir, j’ai regardé Yann et je suis révolté. En colère je le suis aussi, après cette télé publique qui offre de Michel Edouard à Yann des auditoires pour y développer des réquisitoires destructeurs pour la paysannerie française. Que fait-on du droit de réponse ? Dans un procès, l’accusation et la défense tentent au travers de la complexité des choses d’en ressortir la vérité et la justice. Ici rien de tout ne cela, une accusation qui manie des visions manichéennes, partielles et partiales glissant dangereusement vers une pensée unique, jamais bien loin d’agissements propre aux dictatures.

Mon propos n’est pas le déni de l’impact des activités humaines, mais il me semble qu’il faut les regarder avec la mesure des bénéfices et mieux en regardant les enjeux qui sont devant les Hommes. Ne pas le faire est criminel.

Décidément je pense qu’il y avait plus d’humanité, plus de responsabilité, plus d’envie de vivre dans les yeux de Lucie que dans ceux de Yann.

Eric Van REMOORTERE

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bien d'accord, chacun son métier et les vaches seront bien gardées : Yann est un excellent photographe et un artiste, mais n'y connaît rien en matière d'économie (c'est quand même la fonction première de l'agriculture). Et puis Yann ne voit les choses que du ciel avec un petit "c" (car il n'est pas Dieu). On se demande en quoi un éleveur de 600 vaches allaitantes en Ariège est représentatif ? ce type d'élevage se compte sur les doigts de la main dans l'hexagone ! pas difficiles avec 600 têtes et plus de 1000 ha, de regarder pousser les gentianes, courir le chien, voler l'aigle (qui voit du ciel lui aussi, mais plus en détail)...
Le plus grave, ce sont les lobbies baba bobo et les courants de pensées destructeurs et malpensants, venus d'outre-atlantique (les américains aimeraient bien voir l'agriculture européenne revenir à ce qu'elle était avant la grande guerre... ils ont libérés l'Europe, aussi pour pouvoir la nourrir et la reconstruire, bisness bisness... Ils l'ont dit eux-mêmes au début des années 50.
Quel droit de réponse ? voilà le 1er combat que devrait mener le syndicalisme agricole : être présent dans les médias, rétablir la vérité... le métier y gagnerait plus qu'à mener des combats d'arrière garde souvent perdus d'avance. Il faut aller avec son temps... utiliser les armes des adversaires